À l’image de l’ermite Pelage qui fut guidé par une étoile vers la sépulture du disciple du Christ, des milliers de pèlerins de tous horizons se bousculent aujourd’hui sur les sentiers menant à son sanctuaire, tout au bout du continent.
L’été, certains sentiers qui mènent à Compostelle sont trop étroits pour accueillir les nombreux marcheurs et c’est parfois la « course au gîte » pour s’assurer un logement. En effet, depuis qu’il a été proclamé « Premier Itinéraire culturel » par le Conseil de l’Europe, en 1987, et que le pape Jean Paul II a convié en son terme la jeunesse du monde entier, le Chemin de Saint-Jacques n’a cessé de croître en fréquentation. Les pèlerins, en quête de sérénité, découvrent de nouveaux itinéraires. En Espagne, le Camino francés n’est plus la seule voie empruntée : le Camino del Norte (ou « Chemin de la côte »), le Camino primitivo (d’Oviedo à Melide ou Palas de Rei), le Camino portugués (venant du Portugal) ou la Via de la Plata (de Séville à Astorga) ne sont que quelques exemples des autres routes suivies.
En France aussi, le paysage jacquaire s’étoffe : à côté des quatre grandes voies traditionnelles (au départ de Paris, de Vézelay, du Puy-en-Velay et d’Arles), une multitude de variantes permettent de sortir des sentiers battus tout en respectant l’idéal pérégrin : partir de chez soi. Elles sont probablement fort utiles pour accueillir les pèlerins attendus chaque année : environ 150 000.
Lorsque les « jacquets » auront achevé leur pèlerinage sur la terre, ils franchiront sereinement le seuil de la cathédrale en chantant une dernière fois Ultreia : « outre », pour l’ultime Passage, au-delà…
POURQUOI LA COQUILLE ?
Emblème de Vénus chez les Grecs, la coquille est associée à l’amour et au culte des morts. Au Moyen Âge, elle protège des maladies et sert d’offrande mortuaire. Dans la symbolique chrétienne, les deux valves du coquillage représentent les deux préceptes de l’amour (aimer Dieu plus que tout et son prochain comme soi-même). Les pèlerins revenant de Jérusalem avaient coutume d’accrocher des coquilles à leur chapeau. L’habitude a été reprise pour le Mont-Saint-Michel et Saint-Jacques-de-Compostelle (d’où le nom de coquille Saint-Jacques).
La coquille, concurrencée sur les pèlerinages par des capsules en plomb ou en étain vendues par les pèlerins, est peu à peu devenue un ornement privilégié de l’Église : on l’utilise pour verser l’eau du baptême, et les bénitiers sont des coquilles naturelles géantes ou des imitations.
Jacques le Majeur, apôtre et martyr, est le fils de Zébédée et Salomé et le frère de Jean l’évangéliste. Pêchant sur le lac de Tibériade, les deux frères sont appelés par Jésus à quitter leur bateau pour le suivre. Ces « Fils du tonnerre », comme on les surnomme en raison de leur ferveur religieuse, sont, avec Pierre, les plus proches disciples du Christ. Ce sont eux qui assisteront à sa Transfiguration et à son agonie, eux également qui le reverront, ressuscité, au bord du même lac de Tibériade, sur ces rives où Jésus les avait ralliés, eux enfin qui, après l’Assomption, deviendront les premiers missionnaires de l’Église chrétienne, persécutés par les autorités. Ainsi vers l’an 44 Jacques est-il arrêté et condamné à être décapité par Hérode Agrippa, devenant ainsi le premier apôtre martyr. Selon certains textes apocryphes, Jacques serait au cours de sa vie parti convertir en Espagne.
Après son martyre, ses disciples auraient déposé sa dépouille dans une barque, laquelle, guidée par un ange, aurait abordé en Galice. Le corps de l’apôtre aurait été retrouvé au début du IXe siècle grâce à l’ermite Pélage qui aurait été guidé par une étoile jusqu’à sa sépulture (le « campus stellae »).
Le roi des Asturies érigera une église à côté du tombeau, qui sera le berceau de Saint-Jacques-de-Compostelle. La ville deviendra aussitôt un lieu de pèlerinage très fréquenté, saint Jacques étant lui-même souvent représenté en pèlerin.
CONSEIL SPIRITUEL : Place à l’improvisation
Les balises qui jalonnent Compostelle sont moins contraignantes que celles de la vie sociale. Au contraire, elles incitent vivement à faire usage de sa liberté : modifier ses plans, s’écarter d’un chemin tracé d’avance, s’attarder à une étape si on est séduit par le paysage, la beauté du patrimoine ou simplement si on se sent bien. D’où l’intérêt de ne pas formater son trajet, ni réserver tous ses gîtes d’étape. Cela implique de chercher un peu son hébergement. Mais pérégriner, c’est suivre les pas du Christ pauvre et libre, ouvert à la rencontre.