Le pèlerin du Tro Breiz n’a pas un lieu à rallier mais une boucle à boucler pour honorer les Sept Saints fondateurs de la Bretagne. Un parcours en sept étapes, de calvaires en fontaines miraculeuses, pour approcher l’âme du christianisme celte, insufflée par ces moines-évêques venus pour la plupart d’outre-Manche.
Un dicton affirme que tout Breton qui n’accomplit pas le Tro Breiz (« Tour de Bretagne ») de son vivant devra le faire après sa mort, en avançant tous les sept ans de la longueur de son cercueil. « Selon la taille de l’individu, cela peut représenter jusqu’à 77 000 ans de purgatoire ! », calcule avec humour Philippe Abjean, à l’origine de la renaissance de ce pèlerinage médiéval. C’est en 1994 que ce Saint-Politain envisagea d’organiser une marche collective annuelle sur l’une des sept étapes du pèlerinage, dans une ambiance festive et fraternelle. En sept ans, le « trobreizien » qui choisit cette formule – comme plus de 1 500 marcheurs chaque année – peut donc vénérer les Sept Saints en leurs anciens évêchés.
On peut aussi choisir d’effectuer la totalité du pèlerinage en une fois, en dessinant autour de la Bretagne une boucle d’environ 620 km, dont presque la moitié est balisée. Après un mois de marche, le pèlerin rejoint son point de départ. Mais il revient différent : la spiritualité des Sept Saints, qui prône l’ascèse et la pénitence, l’a ramené à l’essentiel. Devant l’augmentation régulière du nombre des trobreiziens, certains commencent à parler d’un « Compostelle breton » !
UNE HISTOIRE TREMPÉE DE LÉGENDE
Ils neutralisent les dragons avec leur étole, repoussent la mer de leur bâton et commandent aux oiseaux… La légende des Sept Saints conjugue poésie médiévale et merveilleux chrétien : Samson (v. 485-565) évêque de Dol-de-Bretagne, serait obéi par les volatiles destructeurs de récolte et délivrerait les possédés. Malo (v. 640), évêque de Saint-Malo, aurait accompagné saint Brendan dans ses voyages en quête du paradis terrestre et aurait navigué pendant sept ans avant d’aborder les terres d’Armorique. Brieuc (v. 609 - v. 502), évêque de Saint-Brieuc, aurait été béatifié pour avoir soumis des loups. Tugdual (v. 563), évêque de Tréguier, aurait été désigné, pour succéder au pape par une colombe venue se poser sur son épaule. Pol Aurélien (v. 480 - v. 572), évêque de Saint-Pol-de-Léon, exorciste, aurait commandé à un dragon de se suicider. Corentin (Ve siècle ?), évêque de Quimper, ermite à Plomodiern, se serait nourri grâce à un poisson miraculeux capable de se régénérer. Il aurait reçu le diocèse de Quimper pour avoir rassasié le roi Gradlon et sa cour. Patern, (Ve siècle ?) évêque de Vannes, accusé
de vol, aurait trempé son bras dans l’eau bouillante sans être brûlé.
DES MOINES NAVIGATEURS ET ÉVANGÉLISATEURS
Au Ve et VIIe siècle, la vague d’émigration celtique, venue de Bretagne insulaire, amène en Armorique des chefs de clans, des familles et des moines. Parmi ces derniers se trouvent Paul Aurélien, Tugdual, Brieuc, Malo et Samson, qui, avec les autochtones Patern et Corentin, seront appelés les « Sept Saints fondateurs de la Bretagne ». Leurs fondations monastiques, à l’origine des évêchés bretons, allaient en effet marquer durablement le paysage de la péninsule armoricaine, et leur christianisme celtique modèlera les croyances des fidèles.
Le Tro Breiz perpétue le souvenir de ces moines défricheurs et évangélisateurs, qui se proclamaient avant tout « pèlerins pour l’amour de Dieu ».
CONSEIL SPIRITUEL : S’ouvrir à l’échange
L’un des charmes du pèlerinage est d’être hébergé chez l’habitant. La rencontre est propice. Celui qui accueille s’enrichit de l’expérience de celui qui s’arrête et celui qui s’arrête s’enrichit de l’accueil qu’il reçoit.