Nombre d’itinéraires convergent vers l’abbatiale Saint-Gilles-du-Gard où l’on venait au Moyen Âge de toute l’Europe invoquer le saint contre la stérilité, les maladies nerveuses ou les peurs…
Dans son Guide du pèlerin, Aymery Picaud explique pourquoi Gilles, tenu pour un saint de son vivant, exerce une irrépressible attirance sur les pèlerins : « C’est lui qui, avant tous les autres, a coutume de venir le plus vite au secours des malheureux, des affligés et des angoissés qui l’invoquent. »
De toute l’Europe, on défile pour soulager ses maux chez ce docteur des âmes. En France, on dénombre sept chemins principaux sans compter les moins connus. Parmi les premiers, deux partent de Toulouse, l’un par Castres et Saint-Guilhem, l’autre par Carcassonne et Béziers. La route de Rocamadour passe par Conques et Saint-Guilhem ; celle d’Aurillac par Aubrac et Florac ; celle de Cluny par le chemin de Forez ; celle de Digne-les-Bains par Cavaillon. Enfin, on peut suivre en totalité ou en partie la Route d’Orléans (700 km) par Bourges, Clermont-Ferrand et le Puy-en-Velay. De là, on rejoint en général Saint-Gilles par le chemin de Regordane : c’est l’itinéraire le plus fréquenté par les pèlerins pour lesquels a été ouvert le GR 700 (240 km, 10 étapes), qui diffère un peu du chemin historique.
Pendant la période pascale et le mois d’août, plusieurs routes d’une ou deux semaines sont également organisées. Les chemins d’été se regroupent à Nîmes le dernier samedi d’août pour leur étape finale : c’est là que les pèlerins d’un jour les rejoignent pour converger vers le sanctuaire où le saint est célébré en grande pompe.
LES TROIS VISAGES DE LA SAINTETÉ
De l’aube du christianisme à la société mérovingienne, l’image du saint se
transforme :
• Avant le IIIe siècle, le saint est un martyr (littéralement, celui qui témoigne de
sa foi), disciple qui souffre et meurt pour le Christ.
• Au IIIe siècle, le saint est un ermite retiré au désert, comme saint Antoine.
• À partir du IVe siècle, il est celui qui se met au service de la collectivité en donnant naissance aux communautés monastiques, tels saint Martin ou saint Cassien, fondateur du monastère Saint-Victor à Marseille, vers 415.
L’ERMITE À LA BICHE
Prince grec (VIe ou VIIe siècle) originaire d’Athènes, Aegidius (nom qui a donné Gilles) fit étape à Arles lors d’un pèlerinage, puis se réfugia dans une forêt de la vallée Flavienne pour mener une vie de solitude et de prière. Selon la légende, il aurait vécu en compagnie d’une biche miraculeuse qui l’aurait nourri de son lait. Voulant la sauver un jour que les chasseurs du puissant duc de Provence Flovent (ou le roi wisigoth Wamba selon les récits) la poursuivait, Gilles aurait reçu la flèche qui lui était destinée. Pour s’amender, le duc aurait fait édifier une abbaye dont Gilles devint l’abbé et autour de laquelle prospéra la cité.
Les conseils que Gilles dispensa aux papes et aux rois le rendirent célèbre. Loin de faiblir après sa mort, la popularité du saint continua à attirer des nuées de pèlerins en l’abbatiale Saint-Gilles-du-Gard pour vénérer ses reliques.
CONSEIL SPIRITUEL : Ô temps, suspends ton vol
Que l’on prenne la route pour célébrer un saint ou uniquement en quête de grands espaces et d’intériorité, le pèlerinage est une parenthèse où l’on s’ouvre à une autre temporalité. L’exercice consiste à s’extraire de son quotidien et à cesser de se disperser pour mieux sortir renouvelé de cette expérience et éprouver la vie dans sa plénitude.