« Tu nous as faits pour Toi, Seigneur, et notre coeur est sans repos tant qu’il ne repose pas en Toi. »
Saint Augustin
Une pléiade d’ordres gravitent autour de la figure de saint Augustin et se réclament de sa règle.
Le premier est l’un des plus vieux ordres de l’Église, les Prémontrés. Fondé en 1120 par un ami de Bernard de Clairvaux, saint Norbert, riche seigneur rhénan devenu prédicateur itinérant après une conversion foudroyante, cet ordre tire son nom du lieu-dit où fut établie la première abbaye, à Prémontré (entre Laon et Soissons). C’est la plus grande congrégation de chanoines réguliers, et comme il est habituel chez ces religieux, elle concilie vie commune en abbaye dans le cadre d’une règle ou canon (d’où le nom de chanoine), et apostolat (prédication, ministère paroissial, missions, aumôneries). Dès leur origine, les Prémontrés ont adopté la règle de saint Augustin tout en s’inspirant de l’esprit de Cîteaux. Grâce au rayonnement de la maison mère, les fondations se multiplient en Europe (650). Après la Révolution, l’ordre réapparaît au XIXe siècle. Il compte aujourd’hui 32 abbayes (quatre en France), sept monastères féminins et cinq congrégations de soeurs lui sont rattachés.
Le deuxième ordre naît au XIIIe siècle sous l’impulsion du pape Alexandre IV. Le pontife souhaite réunir les nombreux ermites qui s’étaient organisés selon la règle de saint Augustin. Il nomme cette communauté Ermites de saint Augustin et, en 1256, fonde l’ordre de Saint-Augustin (OSA) ou des augustins. L’ordre fut approuvé au second concile de Lyon, en 1264. Depuis lors, d’autres ordres ont vu le jour : les Servites de Marie, les Ursulines, les Soeurs de la Visitation.
Enfin, en 1845, le père d’Alzon fonde les Augustins de l’Assomption (AA) ou Assomptionnistes, qui allient vie commune et tâches apostoliques, puis, en 1865, avec mère Correnson, les Oblates de l’Assomption, tandis que la même année, le père Pernet fonde les Petites Soeurs de l’Assomption.
SAINT AUGUSTIN (354-430), une lumière du christianisme venue d’Afrique
Augustin naît à Thagaste, en Numidie (actuel Souk Ahras en Algérie), au coeur de l’Afrique romaine. Ses parents sont de petits propriétaires terriens dans cette région prospère qui approvisionne Rome en céréales, huile d’olive et vin. Son père, païen, ne fait pas d’obstacle pour que sa mère, fervente chrétienne, l’élève dans sa religion. Brillant élève, il fait ses études à Carthage où il rencontre celle qui restera sa compagne pendant quinze ans et avec qui il aura un enfant à l’âge de 18 ans, Adéodat. Il devient professeur dans sa ville natale, puis Carthage, où il fonde une école de rhétorique, et enfin à Rome et Milan. Pendant sa jeunesse, il s’éloigne de la religion, menant une vie de plaisirs, partagé entre son attrait pour les femmes et les honneurs, sa passion pour la littérature et le théâtre. Toutefois des inquiétudes métaphysiques le taraudent depuis son adolescence : d’abord converti au manichéisme, il devient ensuite néoplatonicien, puis chrétien au contact de saint Ambroise, évêque de Milan. Mais il manque à cette adhésion intellectuelle un élan du coeur, une révélation, pour qu’elle devienne décisive. Elle se produit dans un jardin de Milan, où en proie à une profonde crise existentielle, il entend une voix d’enfant qu’il interprète comme celle de Dieu. Il reçoit le baptême en 387 en même temps que son fils. Revenu en Afrique, il se dépouille de tous ses biens et se retire à Thagaste avec quelques amis chrétiens pour y mener une vie cénobitique. Peu attiré au départ par les charges ecclésiales, Augustin, ordonné malgré lui par l’évêque d’Hippone (aujourd’hui Annaba), lui succède en 396, et s’enflamme pour sa tâche.
Tout en dirigeant activement son diocèse, il produit une oeuvre philosophique et spirituelle magistrale, où ses combats contre l’hérésie tiennent une grande place. Parmi sa centaine d’ouvrages, les plus célèbres sont
les Confessions (396-397), première autobiographie de l’histoire,
De la Trinité (400-416) et
la Cité de Dieu (411-426). Le 28 août 430, il meurt alors qu’Hippone, assiégée par les Vandales, voit la fin de l’Empire romain. Une basilique sera érigée sur ses ruines, à la fin du XIXe siècle, en l’honneur du saint.
L’inventeur de la prédestinationLa doctrine de la grâce de saint Augustin prend sa source dans la Genèse. Selon lui, l’homme porte l’empreinte du péché originel hérité d’Adam et Ève, et il ne peut se libérer seul de la puissance des tentations. Son salut dépend entièrement de la grâce de Dieu, l’homme étant impuissant face aux desseins de son Créateur, car la liberté dont il dispose est elle-même dépendante de cette grâce. Agissant librement et par pur amour, Dieu accorde sa grâce à certains et pas à d’autres selon une prédestination mystérieuse. Cette théologie servit de fondement à Augustin pour combattre le manichéisme, qui exonère l’homme de toute faute. La doctrine catholique de la grâce s’en inspire directement, tout en rejetant l’idée selon laquelle la grâce du salut ne serait pas offerte à tous. À l’inverse, les conceptions protestante et janséniste reprennent intégralement la pensée augustinienne. Dans sa pastorale, Augustin faisait toutefois peu de place à sa théorie fondatrice de la prédestination, préférant inviter les hommes, « à mettre en oeuvre librement et généreusement l’amour infusé en eux par l’Esprit, à vivre en fils de Dieu » selon sa célèbre formule : « Aime et fais ce que tu veux. »