« Mes frères, notre mission est de prêcher, nous allons donc nous disperser au loin, le blé pourrit s’il reste en tas, jeté aux quatre vents, il porte beaucoup de fruits. »
Bernard de Clairvaux
En 1215, entouré de quelques missionnaires, saint Dominique fonde dans le sud de la France l’ordre des Frères prêcheurs (OP) qu’il place sous la règle de saint Augustin. Avec pour vocation de combattre l’hérésie, en particulier cathare, par la prédication et l’enseignement, tout en professant un idéal de pauvreté absolue. Ainsi, dépourvus de biens communautaires comme de biens propres, les dominicains sont, de même que les franciscains, un ordre mendiant. En 1216, le pape Honorius III donne sa bénédiction à ce projet de vie et accorde aux missionnaires le droit de prêcher et de confesser en tous lieux. Les frères sont alors envoyés étudier la théologie et le droit canon avant de partir deux par deux fonder de nouveaux prieurés dans plusieurs pays d’Europe où l’ordre se développe rapidement, surtout dans les villes.
Par sa tradition d’érudition, l’ordre dominicain prédispose les frères à occuper d’importantes fonctions. Quatre papes et plus de soixante cardinaux sont issus de ses rangs, ainsi que grands philosophes et théologiens comme saint Thomas d’Aquin, maître Eckhart, Savonarole, et des peintres religieux comme Fra Angelico et Fra Bartolomeo.
En tant qu’ordre prêcheur, les dominicains sont au service de la Parole de Dieu. L’amour divin, vérité passionnément recherchée à travers la prière et l’étude, et le don total de soi au Christ sont les messages que les missionnaires vont annoncer avec ferveur, afin que les hommes construisent l’Église. Insérés dans le monde, les Frères prêcheurs sont des religieux apostoliques. Quant aux congrégations féminines, elles sont soit apostoliques, soit contemplatives, à l’image des premières moniales rassemblées par Dominique en 1206 dans le monastère Sainte-Marie de Pouilhe (Aude). Il existe aujourd’hui treize monastères de dominicaines en France.
SAINT DOMINIQUE (1170-1221), les pauvres prédications d’un chien du Seigneur
Dominique de Guzman est né dans une famille de la noblesse de Castille. Sa mère sera béatifiée par l’Église. Studieux et porté à la piété, il étudie la philosophie et la théologie. Une famine sévit alors, et il donne tout ce qu’il possède.Il entre dans les ordres comme chanoine de saint Augustin.En 1203, lors d’un voyage vers le Danemark avec son évêque, il constate la misère spirituelle du sud de la France et les dégâts causés par l’hérésie cathare. Le pape les charge d’assister ses émissaires qui tentent en vain de rechristianiser les Albigeois. En effet, ces missionnaires accompagnés de serviteurs et de chevaux n’ont rien de la simplicité évangélique qu’ils prêchent aux autochtones… C’est donc à pied, retrouvant le dénuement complet des apôtres, qu’avec une quinzaine de disciples, Dominique part convertir.
En 1206, il s’installe à Pouilhe, et fonde un monastère de jeunes filles qui veulent «
prier pour les prêcheurs ». Après la reconnaissance de l’ordre par le pape, et le premier couvent ouvert à Rome, Dominique voyage en Europe et fait de nombreuses fondations, notamment à Paris, Ségovie et Madrid. Le premier chapitre des Frères prêcheurs se réunit en 1220, à Bologne. Dominique est élu général. Il meurt un an plus tard et est canonisé en 1234 par le pape Grégoire IX. De nombreux miracles et présages lui sont attachés comme de ne pas être mouillé par la pluie, ni ses livres brûlés par le feu, d’opérer des résurrections… Le successeur de Dominique, Jordanus de Saxe, raconte qu’avant sa naissance sa mère rêva qu’elle donnait naissance à un petit chien tenant dans sa gueule une torche qui éclairait le monde. Ce chien deviendra le symbole de l’ordre et donnera lieu à un jeu de mots sur « dominicanes » (« chiens du Seigneur » ou « dominicains »).
La rencontre de deux grands saintsEn 1215, Dominique et François d’Assise se rencontrent à Rome. Les deux grands saints, dit-on, se reconnaissent immédiatement pour s’être vus en songe et lient une amitié profonde qui durera jusqu’à leur mort. Ils espèrent chacun du pape Honorius III la reconnaissance de leur ordre, à une époque où les nouvelles fondations se multiplient et où le Pontife veut limiter les familles religieuses.Dominique propose à François que tous deux se réunissent sous un seul ordre. Soeurs par la pauvreté et la prédication, leurs communautés divergent cependant par leur vocation. Les dominicains pratiquent la pauvreté, mais ils sont surtout versés dans l’étude et le travail intellectuel, à la différence des franciscains, tournés avant tout vers l’action, le don total et spontané de leur personne au Christ. C’est pourquoi François refusera de voir fusionner leurs communautés.